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Les Ingratitudes de l'amour, Barbara Pym

J’aime les héroïnes de Barbara Pym. Elles ont toutes ou presque ce petit quelque chose de touchant et d’un peu risible qui me les rend très sympathiques. Sans doute parce qu’elles me tendent en miroir mes propres doutes, mes propres ridicules, mes faiblesses et mes forces. Parce que, même au cœur de leurs vies minuscules, s’inscrit l’espoir du bonheur, quelle que soit la forme qu’il prendra. Enfin, parce que j’adore l’humour so british de l’autrice : discrètement caustique et second degré.


Dans Les Ingratitudes de l’amour, Barbara Pym met une fois encore en scène un tandem féminin, Ducie Mainwaring et Viola Dace, toutes deux londoniennes célibataires d’une trentaine d’années. En ce début d’été, elles ne se connaissent pas encore, mais ont en commun leur métier, celui « de corriger des épreuves, établir des bibliographies, des index […] toutes les tâches les plus ingrates, les plus monotones, pour le compte de gens plus brillants [qu’elles-mêmes]. C’est au cours d’un week-end de colloque qu’elles se rencontrent. Dulcie y rencontre également Aylwin Forbes, la belle quarantaine, docteur en littérature et auteur de plusieurs ouvrages portant sur d’obscurs poètes victoriens. Vita le connaît déjà : dans un passé récent, elle a établi pour lui un index, et a pu s’en croire amoureuse.


Encore sous le coup de ses fiançailles rompues avec Maurice, et pour une raison qu’elle-même peine à déterminer – la vacuité de sa propre existence, peut-être – Dulcie se passionne aussitôt pour la vie et la personnalité d’Aylwin Forbes, au point de s’engager dans une véritable enquête sur lui, sa situation maritale, son frère pasteur, sa mère, excentrique directrice d’un vieil hôtel en bord de mer. Elle sera secondée en cela par Vita. C’est une sorte de jeu pour Dulcie. L’observation de la vie des autres, comme si elle était au théâtre, plutôt que de monter elle-même sur scène, de prendre le risque des émotions, tandis que d’autres s’y confrontent, entraînés dans le ballet des relations délicates et ambigües. Sauf que dans ce théâtre-là, scène et gradins sont mobiles… Le spectateur peut devenir acteur et vice-versa. Quelques personnages secondaires croqués avec mordant complètent cette peinture d’une époque pas si désuète que cela : les travers humains sont intemporels !


Il y a une lenteur délicieuse dans les romans de Barbara Pym, un talent à dépeindre des gens ordinaires que leurs fragilités, leurs scrupules mal placés, leurs fausses délicatesses ou leurs hésitations rendent uniques et drôles. Et c’est pour cela qu’on les aime.


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